Être auteur de best-seller : la récompense ultime ?
Qui n’a jamais lu sur les tables des libraires le fameux bandeau (ou le macaron très difficile à détacher pour les amateurs de belles couvertures) marqué best-seller ? Vendus à plusieurs milliers voire millions d’exemplaires, les ouvrages réunis sous cette bannière forment un large panel, dans lequel il est parfois difficile de se retrouver, et sur lequel les auteurs n’ont aucun contrôle. Cependant, le succès commercial est bien là, et les titres pourvus du si précieux bandeau sont parfois connus aux quatre coins du globe. Est-il donc vraiment souhaitable d’être élu best-seller ?
Qu’est-ce qu’un best-seller ?
L’histoire des best-sellers commence il y a près de 150 ans, avec une première apparition aux Etats-Unis en 1889. En France, avant l’époque moderne, marquée par l’apparition de machines à imprimer puissantes et d’un grand lectorat, il est très rare pour un ouvrage de se vendre à plus de quelques milliers d’exemplaires. Ce privilège est réservé à des auteurs institutionnels, que l’on qualifierait aujourd’hui de classiques, comme Victor Hugo, Honoré de Balzac ou Emile Zola, mais également à des auteurs qui ont su profiter d’une nouveauté : le feuilleton dans la presse.
Ces chapitres publiés chaque semaine dans les journaux étaient l’équivalent de nos séries d’aujourd’hui, avidement suivis par des lecteurs fidèles, racontant les aventures de personnages si connus à l’époque qu’ils sont parfois entrés dans le langage commun. A côté des célèbres mousquetaires de Dumas ou des romans de Maupassant, peu de lecteurs actuels ont un jour entendu parler de Rocambole par l’écrivain Pierre Ponson du Terrail, mais l’adjectif rocambolesque vient encore parfois s’accoler à des situations assez loufoques aux nombreux rebondissements. Ces péripéties à répétition permettaient alors de prolonger l'œuvre, et sa parution… Le format hebdomadaire n’est donc pas le seul point commun avec certaines séries.
Le succès économique
Ces romans en feuilleton sont les premiers succès publics, faits par les lecteurs, et qui n’ont donc pas été prescrits par la critique. Ces “séries à succès” ont assuré un âge d’or, maintenant révolu pour la presse écrite mais qui semble s’être déplacé vers la maison d’édition, garante aujourd’hui de l’immense majorité des publications. Plus besoin en effet d’avoir des extraits dans les journaux, quand on peut facilement consulter des avis sur le net ou jeter un coup d'œil chez le libraire. On appelle donc best-seller un grand succès de librairie, et, selon les chiffres, c’est la meilleure chose qui puisse arriver à un livre et à une maison d’édition. Un succès, quel qu’il soit, permet le financement de projets pour l’auteur, une visibilité énorme auprès des lecteurs et plusieurs années, voire dizaines d’années de vie pour le livre. Sachant que la plupart des ouvrages ne vivent leur belle vie que trois ans, il y a de quoi y trouver un intérêt certain. De quoi expliquer les féroces batailles économiques que se livrent les maisons d’édition pour attirer les auteurs qui ont fait leur preuve.
Le revers de la médaille
Cependant, si la première marche de ce podium littéraire et économique est extrêmement difficile à monter, il est très facile d’en descendre… ou de rater la marche, et d’y poser le mauvais pied. Le classement des best-sellers, très surveillés par les libraires et par la presse littéraire, change chaque semaine, voire chaque jour, en fonction des ventes. Pour être un auteur “à succès”, il faut donc avoir le cœur suffisamment accroché pour supporter de tomber de la première place du classement Edistat ou Fnac au profit d’une nouvelle parution… Ou pour faire face à la critique.
La critique n’aime pas les best-sellers, couronnés par les ventes, et non par elle. Le Masque et la Plume ou le Figaro Littéraire sont l'institution, les garants de la littérature, les repères dans ce monde de classements actualisés toutes les semaines et de rotation rapide des étals des libraires. Sourds aux arguments commerciaux (du moins on l’espère) et aux effets de mode, ils doivent y voir clair dans la tempête des parutions. Un livre encensé par le public, censé être influencé par tous les arguments possibles qu’une bonne maison d’édition aura mis en place, éveillera systématiquement la méfiance du critique, voire son rejet total. Stephen King, auteur de près de quarante romans et quasiment autant de succès, connu et reconnu comme l’un des auteurs les plus lus au monde et un observateur éclairé des névroses américaines, a longtemps été universellement condamné par la critique pour son style, trop “simple”, qui fait pourtant son succès. On peut donc être un auteur riche de succès et d’une œuvre colossale, mais rejeté par le milieu littéraire.
Best-seller par accident
Un autre écrivain a, lui, réussi à entrer dans ce milieu fermé des écrivains devenus des “classiques”, mais pas exactement comme il l’aurait voulu. Vladimir Nabokov voulait, avec son livre Lolita, dénoncer le point de vue biaisé et, disons-le, horrible (assez pour être censuré dès sa sortie en 1955), d’un homme qui arrive à justifier des actes ignobles sur une fillette. Le roman est à la première personne, de sorte que le lecteur est directement confronté à ce point de vue. Difficile de rester indifférent quand de telles pensées sont accolées à “je”. La réaction de rejet était justement le but recherché, et semble acquise…si on ne lit pas le texte au premier degré. La narration de Nabokov est si convaincante que sa dénonciation devient un roman sur une jeune fille provocante pour les lecteurs inattentifs ou les critiques trop pressés de constater le scandale dénoncé par la presse. Le fait que l’éditeur soit spécialisé dans les livres sulfureux n’aide pas Nabokov à démentir. L’auteur a beau parcourir le monde pour expliquer cette erreur (et ce en français sur nos plateaux de télévision de l’époque), l’adaptation de son livre par Kubrick achève de sceller le destin de son livre. Impossible de “rattraper” son succès, une fois que celui-ci a pris son envol, et ce qui aurait pu être les prémices du Consentement de Vanessa Spingora reste encore un symbole du contre-sens en littérature.
Pas facile donc d’être auteur de best-sellers, même après le succès de son livre. Une fois sur le devant de la scène, une œuvre est à la fois la proie du public, toujours divisé, de la critique, qui l’observe à la loupe, et de la postérité, qui fait souvent peu de cas et du livre et de son auteur. Dans ces conditions, il n’appartient plus qu’à l’auteur de décider s’il veut se lancer dans la course aux prix et à la publication à grande échelle…
Article rédigé par Eva Dodero - 02/03/2022
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