Au grand dam de certains, nous avons organisé le premier concours de nouvelles avec ChatGPT. Entre louanges et scandales, nous avons reçu toutes sortes de réactions.

Le 3 novembre, les résultats de ce fameux concours sont enfin tombés ! Nous félicitons les 15 auteurs qui se sont démarqués parmi une centaine de textes, et nous remercions l’ensemble des participants de s’être prêté au jeu.

En quoi consistait ce concours ?

Pour ceux qui n’ont pas suivi l’affaire, nous demandions aux auteurs d’imaginer un texte de fiction dans un futur où le héros de l’histoire est en quête de faire renaître la culture disparue.

Bien évidemment, la consigne ne s’arrêtait pas là, les auteurs avaient l’obligation d’utiliser ChatGPT comme outil d’écriture innovant. Ils devaient se servir de l’intelligence artificielle comme une encyclopédie pour trouver des pistes de réflexion, des amorces, etc.

Beaucoup d’entre vous se sont posé la question de comment pouvions-nous vérifier si ChatGPT avait bien été utilisé. Nous n’y sommes pas allés par quatre chemins, nous avons simplement demandé à chaque auteur une confirmation, et nous leur faisons confiance.

Alors, avant de vous dévoiler notre bilan sur le concours, revenons rapidement sur ce qui nous a poussés à entreprendre cette initiative un peu folle qui n’a pas manqué de diviser les foules ?

Une expérimentation pour démystifier l’IA

Le pari était risqué, mais vous allez le voir, il en valait la peine. Face aux polémiques et craintes entourant l’IA, notamment dans le monde de l’édition, nous voulions nous forger notre propre avis sur ChatGPT. Si l’avancée de l’IA est particulièrement impressionnante et qu’elle commence déjà à remplacer l’Homme dans certains secteurs d’activité, le danger qu’elle occasionne dans les domaines culturels reste plus controversé. Avec ce concours, il n’était nullement question d’inciter à recourir à l’IA pour écrire ni de cautionner son utilisation, mais plutôt de définir si oui ou non nous devions véritablement le redouter.

L’heure est au bilan

En tant qu’éditeur, le prix de la plume virtuelle nous aura d’abord permis de prendre le temps de comprendre l’intelligence artificielle, et comment elle fonctionne. Alexandre Gefen nous a notamment éclairés sur ces notions lors d'un Webinaire.
Sa présentation aurait pu suffire à elle seule à nous rassurer sur la capacité de ChatGPT à remplacer l’Homme pour écrire un texte littéraire convaincant : « Comme toujours avec ChatGPT, c’est très standard, mais c’est très utile, il donne des idées, des pistes… mais le danger est que justement ça reste trop standard. ChatGPT ne sait pas faire de l’écriture qui soit personnelle, affective et dont les sentiments ne sont pas simplement ordinaires. D’un point de vue littéraire, ce n’est pas intéressant. ChatGPT est bon pour l’information, la description, le savoir, il ne peut pas vraiment produire des choses nouvelles. Il n’est pas capable d’écrire totalement un roman, et techniquement on en est très très loin. On est loin de remplacer un écrivain. Si on tente de trop remplacer l’auteur, il y a le danger d’avoir une langue trop fade, trop ordinaire, d’avoir un livre trop propre, trop lisse. On ne remplace pas l’écrivain, car c’est quelqu’un qui a une parole et un style propre à lui, un point de vue sur le monde et qui parle aussi avec son expérience de vie, ses ressentis et ChatGPT ne peut pas ressentir tout ça, il ne peut faire qu’un calcul, une moyenne des sentiments humains. »

L’analyse de Gwendoline Gauer, éditrice chez Edilivre

"Lorsqu’on lit les nouvelles du concours, on peut tout de suite distinguer celles qui n’ont pas été assez retravaillées par les auteurs pour nous convaincre. Quelles sont leurs caractéristiques ?

Des redondances sont présentes au niveau du vocabulaire tout au long du texte, notamment dans les titres. Les domaines culturels abordés sont toujours les trois mêmes et de nombreux textes ont exactement le même schéma narratif. Même si la thématique du concours a pu jouer un rôle pour certaines similitudes, ChatGPT oriente les auteurs vers des thèmes et un champ lexical. Cela se ressent également sur la structuration des récits. Par exemple, beaucoup de textes sont découpés en chapitres bien trop courts avec des transitions mal gérées qui cassent le rythme de lecture. C’est quelque chose qui est propre à ChatGPT.

Et les lauréats du concours ?

Les 15 nouvelles retenues se sont nettement démarquées, le travail de l'auteur est visible et significatif ! En résumé, ces quinze nouvelles sont originales, parfois drôles, sans redites, bien structurées et avec quelques péripéties. Autrement dit, elles sont bien écrites et n'ont pas pu être rédigées uniquement par ChatGPT.

Des lauréats du concours ont utilisé ChatGPT comme une encyclopédie. C'est une utilisation très intelligente du Chatbot. Le champ lexical de leur récit est ainsi très technique et les démarque des autres productions."

Gwendoline Gauer, Éditrice.

Le bilan sur ChatGPT ?

Notre ressenti est que le Chatbot n'a pas encore suffisamment de compétences pour remplacer l'auteur. Il a encore une marge de progression importante pour être en mesure de nous délivrer un texte littéraire convaincant sans que la plume d'un auteur n'intervienne. ChatGPT manque tout simplement de vécu, d'originalité, de personnalité.

Ce concours a montré que l'utilisation de l'IA inhibe la diversité. Nous entrons dans un univers contraint, ou le politiquement correct et la bien-pensance sont de rigueur. Prendre des pincettes pour n'offenser personne et ne froisser aucune sensibilité ne rime pas avec littérature. ChatGPT censure la violence, les pratiques illicites, le langage cru. Si ce concours est une bonne expérimentation de ChatGPT d'un point de vue littéraire, on reste sur notre faim quant aux productions. De façon générale, il manque aux textes ce petit truc épique.

Pour les plus curieux d’entre vous, les 15 meilleures nouvelles du concours paraîtront en décembre dans un recueil ! Ça vous laisse le temps de tester ChatGPT …

Victoria Marchand
Communication & Événementiel